Fracture et "éléments de réalité" dans la poésie d'Apollinaire, de Cendrars et de Reverdy (1912-1924)
Dans la poesie et dans les theories poetiques et esthetiques d’Apollinaire, de Cendrars et de Reverdy, entre « Pâques a New York », « Zone » en 1912, et Le Manifeste du surrealisme de Breton en 1924, une fracture apparait au niveau de la forme. Liee forcement a l’abandon de la mimesis en tant qu’imitation de la realite, cette nouvelle poetique se veut rupture nette avec le realisme, mais rejoint egalement des conceptions vitalistes de la pensee de Nietzsche et de Whitman, et a travers une nouvelle poetique de l’image et du langage poetiques, dont l’ambition est paradoxalement de reinventer le « realisme » dans la poesie par « rapprochement des realites eloignees » (Reverdy). Ce sont notamment des dispositifs de la « poesie visuelle » qui produisent des effets au niveau de la lecture en tant qu’experience et experimentation a la fois. Quels sont les enjeux de cette « poetique de la realite » ou de ce « lyrisme du reel » et sa place dans la modernite poetique ? Les experiences et experimentations du corpus, lesquelles se caracterisent par la fracture des formes, et utilisation des fragments « bruts », des elements de realite, sont etudies avec une approche phenomenologique, mais dans une perspective essentiellement esthetique. Le merite de la phenomenologie merleau-pontyienne est de mettre en valeur les aspects corporaux de la perception, et c’est exactement dans ce sens-la que toutes ces experimentations representent des strategies poetiques d’immersion du lecteur dans l’experience esthetique et des dispositifs d’une reception corporelle qui est « instinctive », c'est-a-dire « pre-linguistique » et, selon l’expression de Merleau-Ponty, « pre-objective », concernant ainsi egalement l’invention linguistique, c'est-a-dire la poesie en tant que « parole parlante ».